Je le regarde tout le temps, & il ne le sait pas. J'enregistre tout ce qu'il fait, les gestes, les mimiques, les inflexions de sa voix. Je sais ce qu'il fait ce qu'il dit, ce qu'il pense. Tout. je suis attentive à lui.

Il y a Ernestine. Ce matin, quand je suis arrivée dans le salon, cette poufiasse était allongée à la romaine sur le canapé -rouge, c'est lui l'a choisi- en fumant sa cigarette. Elle m'a regardé, comme si c'était elle la maîtresse de maison, avec son petit air supérieur. Oh oui Ernestine, je sais ce que tu as fait, j'ai entendu. Du fond de mon néant, tes bruits m'ont dérangé.

On se toisait, slencieusement, jusqu'au moment où il est arrivé. Il avait la bouteille de jus d'orange à la main, je sais qu'il va l'avoir fini sans m'en laisser. Il s'est penché, naturellement, & il l'a embrassé. Indifférent. mais il ne les embrasse pas d'habitude, le lendemain. Cette fille lui colle étrangement à la peau. Elle s'incruste de tous ses ongles dans notre canapé, & je n'ai pas mon mot à dire. ça m'aurait surpris.

je parle mieux de lui qu'il ne parle de moi. Au fond même en étant néantique, j'ai au moins le souvenir d'avoir ressenti, moi. Lui, non.